La création individuelle dans les sociétés sans écriture
Goody semble partir du postulat que la création individuelle est limitée dans les sociétés sans écriture. Cependant, dans ces sociétés, "chaque récitant est l'auteur", chaque nouveau récitant apporte sa part de créativité (qui sera ou non partagée dans un processus chaotique, donc impossible à prévoir puisqu'on ne sait pas quelle version du savoir va être récupérée). Le récitant n'étant pas juste un support de diffusion de la connaissance, il en est également créateur (ou co-créateur). La création collective (qu'on peut associer aux processus de diffusion de la connaissance dans les sociétés orale) se nourrissant de la création individuelle, il est difficile de juger les limites de cette dernière dans les sociétés sans écriture.
D'ailleurs certains philosophes, notamment Socrate, pensaient que l'écriture figeait la pensée, et donc qu'elle limitait la créativité individuelle.
« Socrate: Ainsi donc, celui qui croit transmettre un art en le consignant dans un livre, comme celui qui pense, en recueillant cet écrit, acquérir un enseignement clair et solide, est vraiment plein de grande simplicité. Sans contredit, il ignore la prophétie d'Ammon, s'il se figure que des discours écrits puissent être quelque chose de plus qu'un moyen de réveiller le souvenir chez celui qui déjà connaît ce qu'ils contiennent. »
Extrait de Phèdre, par Platon. (Discussion entre Socrate et Phèdre au sujet de l'écriture)
Chez Socrate, l'écriture a pour avantage de soulager la mémoire mais pour inconvénient de figer la pensée, et de limiter "son épanouissement".
