La raison graphique de Jack Goody

Goody, dans « La Raison Graphique », expose en quoi l'écriture change nos modes de pensée. Transmission des savoirs, pérennité des contenus, création individuelle... voilà autant de notions qui diffèrent entre les sociétés possédant ou non l'écriture. Mais qu'en est-il de l'écriture numérique ? Il est intéressant de réfléchir non seulement sous l'angle du numérique, mais également sous celui de d'internet. Cette nouvelle forme d'écriture s'inscrit dans un tout nouveau contexte. Les nouveaux supports apportent une infinité de possibilités, mais celles-ci sont bien évidemment accompagnées de contraintes inhérentes.

Intéressons-nous tout d'abord au numérique lui-même. La façon même dont nous rédigeons se trouve directement modifiée. Nous ne réfléchissons plus et ne créons plus de la même manière. Si une erreur d'orthographe ou de syntaxe n'a plus le même impact à l'ère du numérique, c'est plus profondément les méthodes de rédaction qui diffèrent. On semble ici entrer dans un processus itératif de rédaction qui s'éloigne des schémas classiques de l'écriture sur papier. Le verbe « copier » prend un tout autre sens, le réagencement des contenus est révolutionné... mais le cadrage et les limites techniques viennent également formater les modes de pensée.

Si l'invention de l'écriture a permis une persistance temporelle, la pérennité des contenus se voit elle aussi totalement reconsidérée. Un document numérique peut dans un premier temps sembler résistant à l'altération, et les questions de l'archivage ou de l'indexation viennent rapidement sur le devant de la scène.

Le partage et la création sont déjà totalement repensés avec le numérique, mais l'arrivée d'internet vient d'autant plus modifier l'écriture. La création est non seulement individuelle, mais également collective, de manière synchrone ou asynchrone. Pour ce qui est du partage, c'est aussi la transmission des savoirs qui est redéfinie. Le savoir est accessible partout et à tout moment. D'ailleurs, la mémoire peut désormais être considérée comme l'endroit de stockage de la connaissance et non plus comme la connaissance elle-même.

La quasi-totalité des points abordés par Goody diffèrent autant entre oral et écrit qu'entre écrit et numérique. Cette nouvelle forme d'écriture semble elle aussi influer sur les processus cognitifs humains. Peut-on alors parler d'un raison numérique ? Ou d'une raison computationnelle ? Existe-t-il des nouvelles formes, comme le tableau, la liste ou la formule qui ont pu trouver une existence dans cette écriture 2.0 ?