« Une grande complexité sur laquelle on n'a plus la main »
(J. Zimmermann)
La conférence de Jérémie Zimmermann (2015), Rage against the machine : de quoi devons-nous nous libérer aujourd'hui ? est intéressante à deux titres. Premièrement elle commence par Fuck you. I won't do what you tell me. Et ensuite elle pose de façon très didactique les limites de la posture libriste, qui si elle est toujours nécessaire, n'est plus suffisante.
On trouve à cela plusieurs raisons, je relève :
La propriétarisation du matériel
La généralisation des smartphones
L'accroissement de la complexité notamment via le passage au réseau
« Ce que ça veut dire, en pratique, c'est qu'on a beau utiliser tous les logiciels libres que l'on veut utiliser dans notre système d'exploitation, dans la partie utilisateur, dans la partie que l'on contrôle, si on a l'ombre d'un de ces logiciels qui existe et qui est du logiciel propriétaire, alors on perd potentiellement le bénéfice d'utiliser du logiciel libre. »
« Ces architectures informatiques-là, ces ordinateurs-là [les smartphones], apportent une, je ne sais pas s'il faut appeler ça innovation ou régression, qui est que, par principe, par design, une puce existe, à l'intérieur, pour être hors de contrôle de l'utilisateur. »
« Il y a deux microprocesseurs, il y a deux cerveaux là-dedans. Il y a le cerveau utilisateur, sur lequel vous avez vos applis et vos machins, et les photos, et tout ça, et la puce dite baseband, la puce modem, celle qui communique avec l'extérieur, celle qui est accessible depuis l'extérieur pour qui contrôle le réseau, et cette puce-là a été faite pour ne pas obéir à l'utilisateur. Dans le jargon de certains des fabricants, la puce utilisateur s'appelle la puce esclave, là où la puce modem s'appelle la puce maître. Et vous avez un bon exemple de ça, c'est quand votre ordinateur est objectivement éteint, l'écran éteint, enfin ça parait éteint, eh bien vous recevez un coup de fil. Boum ! Le truc va s'allumer, l'écran s'allume, la sonnerie se met à sonner. Il reçoit donc une commande depuis le réseau qui lui dit : « Allume le cerveau, allume la machine ». Donc ces trucs-là sont maintenant faits pour recevoir des commandes à distance, au travers d'une puce encore plus fermée que les autres, qui est la puce maîtresse, qui accède à toute la mémoire et à tous les composants. C'est donc une architecture de contrôle qui est aujourd'hui dans toutes les poches, et ça c'est une des caractéristiques les plus effrayantes de ces machines. Je suis en train de me retenir pour ne pas la lancer contre la dalle de béton qui est ici ! »
« Par rapport à un Amstrad CPC 6128, un Atari 1024 STE, un Amiga 500 et, pour ceux qui ne voient pas du tout de quoi je parle ici, c'est très bien, vous êtes du bon côté de l'histoire, vous n'êtes pas des vieux cons ! Les autres, on en parlera autour d'une bière tout à l'heure. Ces machines-là, de nos jeunesses, d'il y a à peine une vingtaine d'années, aujourd'hui la Super Nintendo a 25 ans, des machines comme ça étaient accessibles dans le sens que quelqu'un, avec beaucoup de temps devant lui, pas mal de caféine et, peut-être, quelques prédispositions, était capable de l'ouvrir et, avec des outils grand public, d'aller regarder patte par patte, puce par puce, ce qui passait ; d'aller comprendre le circuit et d'aller en comprendre l'intégralité du fonctionnement. On a perdu cette capacité-là. On a perdu cette capacité-là, déjà parce que le matériel est propriétaire et qu'on ne sait même plus l'ouvrir ou regarder ce qui passe entre ses pattes, mais aussi parce qu'une bonne partie du traitement ne se fait plus sur notre ordinateur et se fait sur les ordinateurs de ces services centralisés auxquels on n'aura jamais accès. »
Il est raisonnable de ne plus avoir confiance dans les ordinateurs depuis une dizaine d'années environ, parce que les ingénieurs ne sont plus capables de savoir ce que font les systèmes.