Bonnet, Emmanuel, et al. Héritage et Fermeture : Une Écologie du Démantèlement. Éditions Divergences, 2021.
https://www.editionsdivergences.com/livre/heritage-et-fermeture
« Nous dépendons pour notre subsistance d'un « monde organisé », tramé par l'industrie et le management. Ce monde menace aujourd'hui de s'effondrer. Alors que les mouvements progressistes rêvent de monde commun, nous héritons contre notre gré de communs moins bucoliques, « négatifs », à l'image des fleuves et sols contaminés, des industries polluantes, des chaînes logistiques ou encore des technologies numériques. Que faire de ce lourd héritage dont dépendent à court terme des milliards de personnes, alors qu'il les condamne à moyen terme ? Nous n'avons pas d'autre choix que d'apprendre, en urgence, à destaurer, fermer et réaffecter ce patrimoine. Et ce, sans liquider les enjeux de justice et de démocratie. Contre le front de modernisation et son anthropologie du projet, de l'ouverture et de l'innovation, il reste à inventer un art de la fermeture et du démantèlement: une (anti)écologie qui met « les mains dans le cambouis ». »
Enseignants-chercheurs du Master of Science "Strategy & Design for the Anthropocene"
Les communs négatifs de l'Anthropocène (A. Monnin)
La déprojection du monde (E. Bonnet) (partie non exploitée)
Écologies de la fermeture (D. Landivar)
« Si nous ne parvenons pas à traduire les alertes climatiques et écologiques en actes concrets à la hauteur de ces enjeux, c'est parce que nous n'arrivons pas à « fermer les choses ». En clair, plus que d'un renversement théorique ou d'une réforme impossible du capitalisme, nous avons besoin de le fermer concrètement. »
(tribune du monde)
Pas de rupture et pas de réforme (mais une redirection).
Rupture : hypothèse qu'on peut faire sans le capitalisme, brutalement.
Ex : reconnexionisme : refus ou non prise en compte de la dimension constituante de la technologie p88-89 ; n'offre pas de piste techniques (pratiques) pour démantèlement dans un monde hyper colonisé et en ruine (p96).
Réforme (on garde le capitalisme et on le change, canalise, améliore...) : hypothèse que le capitalisme est transformable.
Ex : développement durable, capitalisme vert, transition...
« le rapport aux technologies n'est pas moins important que le rapport aux vivants (p12) »
Mes remarques, critiques, reformulations, compréhensions... sont celles élaborées via ma lecture profane, partielle, partiale, etc. et ne disposant pas de la majorité des références des auteurs.
Tout est à prendre au sens de "ce que moi j'ai compris".
Pensée technique dont l'objet est l'héritage et la fermeture (héritage puis la fermeture).
Passer d'une réflexion sur les moyens à une réflexion sur l'orientation (redirection)
Le but n'est pas d'avoir un impact sur l'environnement pour avoir un impact (économiser de l'eau en se lavant les dents), mais de déployer une stratégie technologique visant à participer à la fermeture (donc au détachement ?) p106
« nous héritons d'un monde – fondé sur les organisations, le management et le paradigme du projet -, dont nous dépendons à court terme pour notre subsistance mais qui nous condamne à moyen terme. (U&R) »
Nous héritons d'un monde dont nous dépendons (organisations, business models, usines, logistique...), il faut reconnaître et accepter ces objets y compris dans leur dimension négative (en hériter) pour rompre avec eux (s'en détacher, y renoncer, les fermer).
Hériter ne signifier pas suspendre ni rompre brutalement, mais gérer ; l'objectif n'est pas de réparer de faire durer, mais de gérer dans un contexte de deuil, de « tonnes d'affaires à régler »
(p86) « comme on hérite d'une responsabilité dans l'avoir choisie »
(p96)
l'héritage est d'abord une continuité (et ce n'est pas un choix)
l'héritage est un deuil
l'héritage est une charge
l'héritage est une responsabilité
Cesser de créer, d'innover, de produire ; sobriété, voire peurs ou interdits ;
« désaffecter ce qui, chez elle, n'est plus soutenable, pour le réaffecter à autre chose »
; renoncement
S'oppose à l'ouverture qui est le moteur de notre trajectoire de développement, paradigme ultra-dominant de l’économie et de l'ingénierie (innover, faire des choses nouvelles, ouvrir de nouveaux horizons).
Difficile :
Il y a peu de compétences techniques de la fermeture (les ingénieurs sont des ingénieurs de l'ouverture et non de la fermeture)
Représentation négative des métiers de la fermeture (démolisseurs, éboueurs...)
Question systémique : ex : fermer un hypermarché qui fait vivre 1500 familles
Désinnovation : renoncer à l'usage d'innovations (y compris par l'interdit légal ; exemple de la drogue ou du nucléaire dans certains pays) ; renoncer à la réalisation de projets : « L'objectif est d'aider entrepreneurs et innovateurs à accepter de ne pas faire advenir des innovations qui ne seraient pas compatibles avec le système Terre (U&R) »
.
Destauration : acte de ne pas faire advenir les technologies en genèse (inclut la fermeture ?)
Enquête scientifique (en contexte de fermeture) : étude des conséquences d'une innovation pouvant conduire à sa fermeture (cigarette, glyphosate, nitrates...) ; l'enquête scientifique prend beaucoup plus de temps que le déploiement de l'innovation technique qu'elle étudie.
La distinction entre ces termes et concepts n'est pas toujours limpide pour moi, en particulier :
technologies zombies et ruines sont souvent synonymes
elles peuvent s'appréhender comme des communs négatifs (je dirai que c'est le geste de ce qu'il faut faire pour en hériter)
Ruine (de l'Anthropocène) : structures abandonnées de fait (usines désaffectées) ou en voie de l'être (voitures)
Ruine ruinée (cf technologie zombifiée) : ruines de fait, visibles, vieilles, détruites, qu'il faut gérer comme déchets
Ruine ruineuse (cf technologie zombifiante) : ruines en puissance, qui peuvent être flambantes neuves, qui coûtent (ruine) au niveau écologique (ex : aviation) souvent de façon systémique (ex : chaînes logistiques)
Objectif premier (de la fermeture) : transformer les ruines ruineuses en ruines ruinées par la rupture des relations de dépendance à ces technologies
Technologie zombie (concept proposé par le physicien Belge José Halloy) : artefact non viable à court, moyen, long ? terme ; artefact dépassé en terme de viabilité ; qui met en péril les humains et non-humains.
Zombification : transformation d'une technologie vivante en technologie zombie (exemple : l'agriculture zombifiée par la mécanisation et les intrants chimiques industriels)
p18-19 : geste de pluraliser la technologie (low-tech, conviviale...) ; il y aurait donc plusieurs sortes de technologies (cf cosmotechnique, Hui) dont (ou plus ou moins) : les technologies zombies (hégémoniques aujourd'hui) versus les technologies vivantes (p21) :
basées sur des ressources finies (stock) vers renouvelables ;
avec une faible durée de vie programmée versus un longue durée de vie programmée
basés des éléments chimiques non organiques vers organiques CHNOPS (Carbone, hydrogène et oxygène — donc eau —, azote, phosphore, soufre) donc déchets versus recyclables
Ce qu'il faut faire pour hériter des ruines/technologies zombies c'est les gérer comme des communs négatifs.
Elles sont un héritage
avec une valeur négative
à partager et/ou à gérer collectivement, par des communautés avec règles de gouvernance (depuis le concept de commun, cf Lionel Maurel, Elinor Ostrom, et Garett Hardin pour la critique, cf La tragédie des communs).
Le commun négatif est donc le statut à donner aux ruines/technologies zombies.
Ataraxie technique
axe orienté usagers
absence de trouble individuel : réguler ses besoins en objets pour permettre leur disparition sans qu'on, en souffre
absence de trouble collectif : se détacher des technologies zombies pour les fermer (p105, un zombie ne peut pas revenir en arrière)
réorienter le désir
Lowtechnicisation
axe orienté ingénieurs
concevoir autrement les objets (logique d'alternative), faire émerger des technologies vivantes plutôt que zombies
soutenabilité : minimiser les effets néfastes sur l'environnement (objectif premier)
autonomie : maximiser la maîtrise de la chaîne technique par les groupes humains (en vue de conserver la logique de maîtrise de la direction) ; en lien avec les questions méthodologiques, en contexte incertain, on a pas forcément la réponse bonne réponse a priori, il faut donc pouvoir naviguer (agilité)
Redirection "héritage et fermeture"
axe orienté politiques
gérer l'existant, gérer la fermeture
faire avec, faire sans, faire autrement
questions du système de dépendance
Continuer, s'en foutre, ne rien faire : en quoi est-ce un problème pour moi que la vie humaine sur Terre devienne problématique pour d'autres dans le futur ?
Continuer en s'adaptant et/ou adaptant les autres : logique de résilience, du capitalisme vert ; on garde les fondamentaux (innovation, croissance, publicité, consommation...) en cherchant à mieux intégrer les paramètres environnementaux.
Vision environnementaliste optimiste, qui minore les scénarios de décroissance requis pour maîtriser les conséquences néfastes des changements environnementaux
et/ou vision techno-solutionniste optimiste qui pense que les avancées technologiques apporteront des solutions suffisantes.
Rupture : logique de renversement des systèmes productifs, de pouvoir... (« tout raser et repartir sur des bases saines »
).
Redirection "Héritage et fermeture", réorienter l'activité technique et gestionnaire vers :
la prise en charge des communs négatifs (ce qui nous pollue),
la fermeture progressive des activités zombies (celles vouées à mourir par pression environnementale),
le développement d'alternatives non négatives
Question : tout activité humaine-technique n'a-t-elle un impact négatif ?
Exemples de technologies vivantes ?
Question du financement (au moins initial) : qui actionne le levier permettant de réorienter l'activité technico-gestionnaire ? Est-ce un multimilliardaire philanthropique qui décide de changer de terrain de jeu ? Un enjeu d'état ?
Question de l'échelle : est-ce possible de s'occuper d'une seule centrale ou ça ne de sens que si on traite "le nucléaire" ?
Question des aspects systémiques (comment fermer sans par effet dominos ruiner la santé économique d'un coin du monde)
Exemple : on décide de réorienter l'usage de la viande, il faut donc que le travail humain s'occupe de : recycler les actifs immobiliers (abattoir, machines...), former les humains, modifier les relations avec les pays exportateurs en les aidant à faire de même... qui décide ? qui finance ?
Remarque ; certains exemples sont encore plus systémiques (la voiture implique les distances donc les réapprovisionnement et le travail, bref, presque tout)