On peut définir donc un enseignement comme la création d'une situation d'apprentissage par un individu, l'enseignant, pour un groupe d'individus, les apprenants.
Cette situation comprend généralement une prescription (ce que les apprenants doivent faire), une organisation (comment ils doivent le faire) et une certification (une mesure ce qu'ils ont fait). Les objectifs d'un enseignement peuvent être multiples : acquérir des connaissances ou des compétences, réussir un examen, accéder à un métier, être valorisé, se faire violence, se faire plaisir...
Mais le point commun de tout enseignement est le faire que les enseignants veulent convoquer de la part des apprenants.
Enseigner, c'est donc faire faire.
Prairat (2016) propose trois facettes du verbe enseigner :
"enseigner que", c'est à dire faire connaître quelque chose
"enseigner à", c'est à dire faire savoir faire quelque chose
"enseigner" un domaine (biologie, philosophie, mathématiques...), c'est à dire donner à connaître un cadre théorique qui transcende l'action pour pouvoir la comprendre au delà de seulement savoir l'exécuter.
L'auteur précise que ces trois facettes sont indissociables (« Enseigner la philosophie, c'est aussi enseigner à faire une dissertation ou à savoir commenter un texte philosophique. De sorte que lorsque l'on enseigne, on enseigne aussi « à ». »
). Donc finalement enseigner, c'est donner accès au faire - c'est faire faire - dans un cadre théorique qui permet de comprendre ce faire.
On peut reformuler ce faire faire à partir d'une conception du travail que l'on empreinte à Ponchaut et Salzmann (2014) : « travailler, c'est quand cela ne va pas de soi, et qu'il faut y mettre du sien »
; et notamment à leur lecture de Christophe Dejours (2011) qui nous permet d'ajouter « qu'il y a la promesse de s'accroître soi même »
.
Le travail (dans la version positive qui est présentée et qui nous intéresse ici) implique :
une résistance du réel : « cela ne va de soi »
, il y a quelque chose que je ne parviens pas faire, une situation d'échec a priori ;
un effort à fournir : « il faut y mettre du sien »
, il y a une implication personnelle, voire une souffrance, et une obstination en retour qui permet le dépassement ;
un enrichissement: « il y a une promesse de s'accroître soi-même »
, ce que l'on y a mis de nous nous est restitué différemment, avec un gain, on en ressort transformé, plus riche.
On peut faire l'analogie avec le sens physique du travail (W), le travail d'une force met en jeu une dépense d'énergie et un déplacement ou une déformation.
Enseigner, c'est alors faire travailler.